En 1946, Félix Leclerc découvre Vaudreuil. Lors d’un passage dans la région, les Compagnons de Saint-Laurent, dont Félix fait partie, s’installent temporairement dans des chalets situés à l’emplacement de l’hôtel Château Vaudreuil aujourd’hui.
Il aime tellement Vaudreuil qu’il choisit d’y résider avec son épouse Dedouche et son fils Martin. Il trouve une maison à louer devant le lac des Deux Montagnes. C’est dans ce décor bucolique de l’anse de Vaudreuil qu’il trouva l’inspiration pour composer quelques-uns de ses plus grands succès. Dans cette campagne qu’il adorait, il mena une vie simple et calme avec sa famille, entouré d’amis artistes habitant tout près. Il se lia d’amitié avec quelques voisins.
En 1947, les Compagnons montèrent sa première pièce, Maluron, et, en 1948, sa pièce Le p’tit bonheur fut créée à la salle paroissiale de Vaudreuil. Pour occuper les spectateurs pendant les changements de costumes et de décors, Guy Mauffette demanda à Félix de chanter ses chansons. Voilà que Félix le chansonnier venait de faire ses premiers pas.
«Comme j’ai été heureux à Vaudreuil. […] J’y retrouvais la sérénité et les journées coulaient tranquilles. On aurait dit que le vent qui soufflait sur le lac des Deux Montagnes me donnait des ailes, m’inspirait des idées de création. C’est à Vaudreuil que j’ai commencé à écrire sérieusement…»
— Félix Leclerc
Un matin d’automne, Félix reçut une missive de Paris contenant un engagement de cinq semaines dans un music-hall de la capitale, l’ABC, une salle de deux mille places. Avant même son départ en France, son premier 78 tours fut mis en marché en octobre 1950. Ses chansons jouèrent en boucle à la radio de Paris et sa chanson Le p’tit bonheur s’est glissée dans le palmarès. Après avoir fait la première partie du spectacle des Compagnons de la Chanson le 22 décembre de la même année, Félix chanta aux Trois Baudets à Montmartre où il tint l’affiche pendant quatorze mois. Croyant être parti pour cinq semaines, Félix resta trois ans et fit une tournée en France, en Suisse et en Afrique du Nord.
Félix fut le premier interprète à se présenter devant son public sans orchestre, uniquement accompagné de sa guitare. Force fut de constater que Le Canadien (c’est ainsi que les Français surnommaient Félix Leclerc) avait du talent. Il impressionna et influença même Georges Brassens, Jacques Brel et Guy Béart, qui ont raconté en être venus à la chanson grâce à Félix.
«Croyez-le ou non, c’est l’audition du premier long jeu de Félix Leclerc qui m’a orienté vers la chanson définitivement.»
— Jacques Brel
En 1951, Félix remporta le Grand Prix du Disque de l’Académie Charles-Cros pour sa chanson Moi, mes souliers. Après un séjour en France de trois ans, Félix revint au Québec en 1953. Il fit des apparitions à la télévision, entreprit une tournée dans la province et écrivit des télé-théâtres et une série pour la télévision, Nérée Tousignant. Il écrivit aussi à cette époque plusieurs de ses plus belles chansons. En 1955, il publia Moi, mes souliers, où il raconte avec verve sa vie à Vaudreuil et ses débuts à Paris.
En 1956, Félix s’enracina davantage dans la région en achetant une fermette au 186, chemin de l’Anse. Construite dans les années 1880 par la famille Denis, la maison aux volets bleus était entourée de bâtiments de ferme, dont une grange qu’il baptisa l’Auberge des morts subites.
La maison devint un refuge, un havre de paix, un port d’attache, une source d’inspiration pour le poète. Félix aménagea, à l’étage de la maison, un lieu d’écriture qu’il nomma son grenier. Son rituel le menait tous les matins dans cette pièce et, à sa table de travail, il poursuivait son œuvre.
La maison devint vite un lieu de rencontres. Avec ses voisins, Louise Vien, Guy Mauffette, Thérèse Cadorette, Yves Vien, Janine Sutto et Henri Deyglun, il cultivait de solides amitiés. La maison fut aussi le lieu de passage de grands artistes français tels Michel Legrand, Jacques Brel, Raymond Devos ou encore Catherine Sauvage. Les artistes de la communauté québécoise, parmi lesquels Monique Leyrac, Claude Gauthier, André Lejeune, Paolo Noël, vinrent également rencontrer ce Félix qui les inspirait.
À cette époque, Félix écrivit également les pièces de théâtre Sonnez les matines, L’Auberge des morts subites et Les temples. Si ses pièces ne furent pas toutes bien reçues par les critiques, elles furent certes appréciées du public. En 1961, Le calepin d’un flâneur, un recueil de pensées par lequel Félix donnait accès à son univers, fut publié.
En 1966, Félix Leclerc quitta Vaudreuil pour séjourner en France.